[Article de 2004 archivé ici]
Editorial
Socialisme International N° 10 été 2004
La rue doit décider
!
Nous sortons cette revue quelques jours avant les
élections européennes du 13 juin. Après les élections régionales d’avril, il
semblerait que toutes les forces politiques se trouvent dans une position
hésitante ou contradictoire. Le gouvernement Raffarin a pris peur après son
score désastreux, ce qui l’a mené rapidement à faire marche arrière sur les
dossiers des chercheurs et des intermittents, prenant le risque d’encourager
d’autres luttes. Il a également annoncé une augmentation du SMIC pour juillet,
espérant ainsi en partie désamorcer le mécontentement des salariés.
Sur le dossier de la Sécurité sociale il a attaqué
quand même - priorités du MEDEF oblige. Il espère que les salariés n’ont pas
gagné trop en confiance depuis leur défaite sur le dossier des retraites, et
que le fait que l’attaque soit un peu moins forte que prévue endorme les gens.
L’attaque contre la Sécu affecte l’ensemble des
travailleurs sur un sujet dont ils comprennent l’importance. Les manifestations
du 5 juin ont rassemblé plus de 250 000 personnes, mais un mouvement plus large
sera nécessaire pour faire reculer le gouvernement. C’est un mouvement
auto-organisé par la base des syndiqués, et par des collectifs de défense de la
Sécu dont on aura besoin pour pousser les directions syndicales frileuses à
lutter vraiment, à préparer les conditions pour une grève générale.
La gauche parlementaire a repris du poil de la bête
avec les résultats des régionales et les sondages la mettent en très bonne
position. Mais cette gauche reste pour l’essentiel axée sur une future
reconstitution de la gauche plurielle autour du PS. Et le soutien au PS est
souvent « faute de mieux » - les mêmes sondages montrent que même parmi ceux
qui se décrivent comme « sympathisant du PS », 49% pensent que le PS « n’a pas
de réelles propositions alternatives ».
Si le soutien au PS est hésitant, une force anticapitaliste
populaire et dynamique fait sérieusement défaut. L’immobilisme par rapport à la
création d’un force anticapitaliste qui dépasserait les rangs de l’extrême
gauche et sa difficulté à se construire dans les entreprises et dans les
syndicats sont des éléments qui ont certainement fragilisé sa côte de
popularité. L’audience médiatique de la LCR ne se prolonge pas vraiment en
termes de construction organisationnelle chez les jeunes et les travailleurs.
Plus grave, nombre de militants ayant adhéré récemment quittent les rangs de
l’organisation, faute d’une vision claire des perspectives.
La popularité un peu aléatoire de l’extrême gauche
peut aussi refléter des aspects de démoralisation chez les travailleurs qui ne
sont pas forcément convaincus que des élus révolutionnaires aient le pouvoir ou
la volonté de changer leur quotidien.
La contestation altermondialiste ou syndicale est
également hésitante. Les manifestations pour la sécu et contre la guerre
montrent un vrai dynamisme, sans pour autant réussir à passer le cap vers un
mouvement réellement massif. Après la défaite sur les retraites, les salariés
hésitent, sans une direction plus déterminée, à entrer en lutte.
Les listes « 100% altermondialistes » retirées au
dernier moment, les listes « EuroPalestine » et d’autres démontrent que
beaucoup de militants cherchent - en ordre dispersé - des moyens d’influencer
directement le paysage et les institutions politiques. L’extrême gauche n’a pas
su pour l’instant convaincre assez largement de son utilité pour les mouvements
à une échelle de masse.
Pourtant, la dernière manifestation du 5 juin contre
le terroriste Bush révèle que les luttes politiques de masse sont encore
capables de rassembler des milliers de jeunes. Elles nous donnent la clé pour
comprendre l’urgence et l’importance d’intervenir prioritairement dans ce
milieu.
La question de l’impérialisme a toujours été décisive pour les
révolutionnaires. Répondre à cette question, c’est poser le problème de la
révolution comme alternative à la barbarie capitaliste.
De tous les révolutionnaires, Lénine a été le plus
loin dans l’analyse de l’impérialisme ; en 1917, alors que la Russie était
plongée dans l’horreur de la guerre, la question de la prise du pouvoir se
posait directement aux travailleurs.
Notre dossier sur Lénine et la révolution russe s’occupe d’étudier toutes les
questions qui se posaient aux révolutionnaires russes durant cette période. Ce
dossier n’a pas pour objet de calquer une situation politique à une autre, mais
il fourmille d’enseignements qui devraient aider les militants d’aujourd’hui à
mieux comprendre les enjeux actuels.
Les luttes économiques, politiques et idéologiques
doivent toutes être menées de front, et ces luttes dans les mois et les années
à venir auront tendance à s’accélérer et à poser de plus en plus clairement la
question du pouvoir dans la société.
Bonne lecture !
[Quelques coquilles corrigées plus tard.]