Editorial, Socialisme N°4,
juillet 2002
[Article de 2002, archivé ici]
Moins fort qu’il
n'en a l’air
Il y a quelques mois encore, au début de l’année, le
gouvernement de Jospin et les représentants de la gauche plurielle se
préparaient aux élections avec optimisme...
Mais c’est la droite qui a obtenu la majorité absolue
à l’Assemblée, et Chirac dispose désormais de tous les pouvoirs.
La défaite de la gauche est due à sa capitulation
politique devant la classe dirigeante. Les partis réformistes arrivent au
pouvoir en faisant lever l’espoir au sein du camp des travailleurs, l’espoir
d’améliorations de leurs conditions de vie. Mais une fois au pouvoir, la gauche
ne peut transformer le système. Elle fabrique alors du désespoir et de la
démoralisation.
Une vague bleue ?
Cette victoire a été en partie préparée par le vote du
5 mai. La gauche plurielle s’est tiré une balle dans le pied en appelant à
voter pour Chirac au lieu d’être au cœur des mobilisations antifascistes de
l’après 21 avril. De plus, les partis de gauche sont restés sur une attitude
strictement électorale, accompagnant seulement les manifestations de la
jeunesse.
Chirac a donc bénéficié d’un plébiscite, dans la pure
tradition gaulliste-bonapartiste.
Le vote du 5 mai a été présenté comme un référendum
pour " la démocratie et la république " et contre " l’extrême
droite ", mais en réalité la gauche a permis la réélection de Chirac, qui
avait obtenu le plus mauvais score pour un président sortant.
Les médias nous parlent d’une vague bleue pour
illustrer la victoire écrasante de la droite. La réalité est différente, loin
d’être un raz-de-marée, cette victoire aux législatives est un trompe-l’œil,
comme celle du 5 mai.
La droite paraît forte mais en réalité elle est
faible. Les partis de droite subissent une crise depuis quelques années.
Comparé aux élections présidentielles de 95, la droite a perdu 5 millions
d’électeurs. Même si avec 34 % des suffrages exprimés (8,8 millions de voix)
l’UMP (Union pour la Majorité Présidentielle) remporte près de quatre cents
sièges, sa victoire n’est qu’un leurre, ces élections marquent avant tout la
faillite de tous les partis institutionnelles. Le retour de bâton contre la
droite risque d’être encore plus rapide et douloureux qu’en décembre 95. De
plus le taux d’abstention n’a jamais été aussi élevé avec plus de 39 % au
second tour des législatives, soit plus de 14 millions de personnes.
Que nous réserve ce gouvernement ?
Le gouvernement de Raffarin est un gouvernement de
revanche sociale. Il a un discours " modeste " et se réfère à "
la France d’en bas ", mais dans le même temps son programme prévoit des
attaques contre les 35h (dans les hôpitaux), contre notre système de retraite,
des privatisations en cascade, une politique répressive, un renforcement des
lois racistes contre les immigrés, les descentes dans les cités. Ainsi Sarkozy,
ministre de " la sécurité intérieure " annonce qu’il faudra "
porter le fer dans les zones de non-droit " et que l’on ne peut parler de
prévention dans " des cités contrôlées par la mafia. "
Le gouvernement Raffarin est dans une logique
d’affrontement avec notre classe. Le premier acte politique qu’il a décidé est
de mettre notre camarade José Bové en prison, plutôt que d’attendre quelques
semaines pour que le responsable de la Confédération Paysanne bénéficie d’une grâce
présidentielle. En mettant un syndicaliste en prison, comme premier acte
politique 24 heures après sa réélection, le gouvernement Raffarin veut envoyer
un message clair à tous ceux qui entendent résister à la société du profit et à
la mondialisation libérale : les syndicalistes, les altermondialistes, les
associations de défense des droits, seront considérés comme des délinquants et
mis en taule s’ils cherchent à donner une forme plus radicale à leur opposition
au système.
José Bové n’est pas qu’un bouillonnant syndicaliste
paysan, un Astérix des temps modernes comme les médias aiment à le présenter.
C’est un héros national de la résistance à la mondialisation capitaliste, qui a
été de toutes les mobilisations et contre-sommets, c’est lui qui a été l’un des
rares à partir en Palestine en solidarité avec le peuple palestinien menacé
d’isolement et de mourir en silence. C’est ainsi tout un symbole de nos
résistances que la droite au pouvoir jette en prison, alors qu’un délinquant
multirécidiviste comme Chirac dirige le pays en toute impunité, au lieu d’être
traduit en justice et incarcéré.
Ce gouvernement se croit fort et tout permis. Mais
cette situation d’accalmie ne durera qu’un temps et un vent de tempête risque
de s’abattre bien vite sur la Chiraquie. Le président est un monarque au pied
d’argile. La résistance s’organise déjà, comme en témoigne les actions de
solidarité avec José Bové, et aux coups bas de Chirac et Raffarin répondront
les luttes de la "France d’en bas " qui pourraient bien renvoyer ce
gouvernement au vestiaire bien plus vite que son prédécesseur Juppé en 1995.
[Quelques coquilles corrigées après
publication initiale].