dimanche 9 mai 2021

Le gouvernement Raffarin est moins fort qu'il n'en a l'air

 

Editorial, Socialisme N°4, juillet 2002

[Article de 2002, archivé ici]

Moins fort qu’il n'en a l’air

Il y a quelques mois encore, au début de l’année, le gouvernement de Jospin et les représentants de la gauche plurielle se préparaient aux élections avec optimisme...

Mais c’est la droite qui a obtenu la majorité absolue à l’Assemblée, et Chirac dispose désormais de tous les pouvoirs.

La défaite de la gauche est due à sa capitulation politique devant la classe dirigeante. Les partis réformistes arrivent au pouvoir en faisant lever l’espoir au sein du camp des travailleurs, l’espoir d’améliorations de leurs conditions de vie. Mais une fois au pouvoir, la gauche ne peut transformer le système. Elle fabrique alors du désespoir et de la démoralisation.

Une vague bleue ?

Cette victoire a été en partie préparée par le vote du 5 mai. La gauche plurielle s’est tiré une balle dans le pied en appelant à voter pour Chirac au lieu d’être au cœur des mobilisations antifascistes de l’après 21 avril. De plus, les partis de gauche sont restés sur une attitude strictement électorale, accompagnant seulement les manifestations de la jeunesse.

Chirac a donc bénéficié d’un plébiscite, dans la pure tradition gaulliste-bonapartiste.

Le vote du 5 mai a été présenté comme un référendum pour " la démocratie et la république " et contre " l’extrême droite ", mais en réalité la gauche a permis la réélection de Chirac, qui avait obtenu le plus mauvais score pour un président sortant.

Les médias nous parlent d’une vague bleue pour illustrer la victoire écrasante de la droite. La réalité est différente, loin d’être un raz-de-marée, cette victoire aux législatives est un trompe-l’œil, comme celle du 5 mai.

La droite paraît forte mais en réalité elle est faible. Les partis de droite subissent une crise depuis quelques années. Comparé aux élections présidentielles de 95, la droite a perdu 5 millions d’électeurs. Même si avec 34 % des suffrages exprimés (8,8 millions de voix) l’UMP (Union pour la Majorité Présidentielle) remporte près de quatre cents sièges, sa victoire n’est qu’un leurre, ces élections marquent avant tout la faillite de tous les partis institutionnelles. Le retour de bâton contre la droite risque d’être encore plus rapide et douloureux qu’en décembre 95. De plus le taux d’abstention n’a jamais été aussi élevé avec plus de 39 % au second tour des législatives, soit plus de 14 millions de personnes.

Que nous réserve ce gouvernement ?

Le gouvernement de Raffarin est un gouvernement de revanche sociale. Il a un discours " modeste " et se réfère à " la France d’en bas ", mais dans le même temps son programme prévoit des attaques contre les 35h (dans les hôpitaux), contre notre système de retraite, des privatisations en cascade, une politique répressive, un renforcement des lois racistes contre les immigrés, les descentes dans les cités. Ainsi Sarkozy, ministre de " la sécurité intérieure " annonce qu’il faudra " porter le fer dans les zones de non-droit " et que l’on ne peut parler de prévention dans " des cités contrôlées par la mafia. "

Le gouvernement Raffarin est dans une logique d’affrontement avec notre classe. Le premier acte politique qu’il a décidé est de mettre notre camarade José Bové en prison, plutôt que d’attendre quelques semaines pour que le responsable de la Confédération Paysanne bénéficie d’une grâce présidentielle. En mettant un syndicaliste en prison, comme premier acte politique 24 heures après sa réélection, le gouvernement Raffarin veut envoyer un message clair à tous ceux qui entendent résister à la société du profit et à la mondialisation libérale : les syndicalistes, les altermondialistes, les associations de défense des droits, seront considérés comme des délinquants et mis en taule s’ils cherchent à donner une forme plus radicale à leur opposition au système.

José Bové n’est pas qu’un bouillonnant syndicaliste paysan, un Astérix des temps modernes comme les médias aiment à le présenter. C’est un héros national de la résistance à la mondialisation capitaliste, qui a été de toutes les mobilisations et contre-sommets, c’est lui qui a été l’un des rares à partir en Palestine en solidarité avec le peuple palestinien menacé d’isolement et de mourir en silence. C’est ainsi tout un symbole de nos résistances que la droite au pouvoir jette en prison, alors qu’un délinquant multirécidiviste comme Chirac dirige le pays en toute impunité, au lieu d’être traduit en justice et incarcéré.

Ce gouvernement se croit fort et tout permis. Mais cette situation d’accalmie ne durera qu’un temps et un vent de tempête risque de s’abattre bien vite sur la Chiraquie. Le président est un monarque au pied d’argile. La résistance s’organise déjà, comme en témoigne les actions de solidarité avec José Bové, et aux coups bas de Chirac et Raffarin répondront les luttes de la "France d’en bas " qui pourraient bien renvoyer ce gouvernement au vestiaire bien plus vite que son prédécesseur Juppé en 1995.

[Quelques coquilles corrigées après publication initiale].